Synthèse de l’actualité internationale de septembre 2016

Synthèse de l’actualité internationale de septembre 2016

Par Axelle DEGANS*, le 1er octobre 2016(www.diploweb.com)

Sort des urnes

Au Gabon, les résultats des élections présidentielles de septembre 2016 qui donnent le président Ali Bongo vainqueur sont contestés par son opposant et ex-beau-frère Jean Ping. Des irrégularités ont entaché ce scrutin, et les violences postélectorales ont fait craindre le pire. Ali Bongo est au pouvoir depuis 2009, il succède alors à son père Omar Bongo président entre 1967 et 2009. La cour constitutionnelle du pays valide son élection pour un deuxième mandat dans un climat des plus tendu. La Cour pénale internationale (CPI) ouvre néanmoins une enquête préliminaire concernant la crise qu’a traversé le Gabon au sortir des élections.

En Tunisie, Youssef Chahed a formé en septembre 2016 le 9ème gouvernement du pays depuis la « révolution de jasmin » (2011). Ce quadragénaire a pour priorité de relancer l’économie de son pays pour cela il espère attirer les investisseurs étrangers. En France, le Cercle des économistes appelle à aider ce pays en pleine transition démocratique.

Les élections présidentielles autrichiennes – qui avaient été gagnées en mai 2016 par le candidat écologiste contre le candidat d’extrême droite – ont été invalidées du fait d’irrégularités dans le dépouillement. Le « nouveau second tour » devrait se dérouler le 4 décembre 2016. La démocratie autrichienne n’en sort pas grandie.

Disparition de dirigeants politiques

En Ouzbékistan, Islam Karimov, au pouvoir depuis près de 25 ans, est décédé alors qu’il venait d’être réélu sans surprise à la magistrature suprême l’année passée. Ce vrai satrape oriental incarne un pouvoir des plus autoritaires dans un pays d’Asie centrale indépendant après l’implosion de l’URSS.

Shimon Peres, leader israélien, faucon et colombe, prix Nobel de la paix est mort fin septembre 2016. C’est un homme politique emblématique de son pays, un des derniers grands personnages politiques qui a accompagné l’histoire d’Israël. Ses funérailles sont un événement international, le leader palestinien Mahmoud Abbas y assiste.

Un recul des jihadistes

Les forces de l’Etat islamique reculent en septembre 2016 dans leur bastion libyen de Syrte face aux troupes du gouvernement d’ « union nationale » basé à Tripoli. En revanche, les ports pétroliers – comme Ras Lanouf – sont passés aux mains de l’Armée nationale libyenne du général Haftar. Le pays est toujours éclaté.

Daech est aussi en recul en Irak face aux troupes irakiennes qui demandent un soutien à Washington en prévision d’une offensive sur Mossoul, ville clé en Irak pour l’Etat islamique.

En Syrie, un bien fragile cessez-le-feu a été négocié entre Etats-Unis et Russie. Il a été éphémère et les combats ont repris autour d’Alep, la 2ème ville du pays. Les troupes de Bachar el-Assad, appuyées par les forces russes mènent une offensive pour prendre le contrôle des quartiers orientaux de la ville, aux mains des rebelles. Les combats sont terriblement violents et font des centaines de morts parmi les civils à nouveau otages du conflit. Ces violences – qui n’épargnent ni les convois humanitaires ni les hôpitaux – sont condamnées au niveau international.

Les attentats continuent…

A Yémen, l’EI a perpétré en septembre 2016 un attentat-suicide qui a tué plus de 70 personnes, des volontaires de l’armée yéménites qui combat à la fois l’EI et les chiites houthistes.

Les Shebabs somaliens ont fait exploser une voiture piégée à Mogadiscio qui a tué une dizaine de personnes.

L’Afghanistan demeure le siège d’attentats réguliers qui sont le fait des talibans. Ceux-ci progressent dans le sud du pays et affrontent les troupes régulières.

Aux Etats-Unis plusieurs attentats ont eu lieu, faisant près d’une trentaine de blessés, ils ont été organisés par un homme né en Afghanistan.

En Jordanie, l’écrivain Nahed Hattar a été assassiné parce qu’il a publié, sur les réseaux sociaux, une caricature qui tourne en dérision les jihadistes.

… comme la violence

Un regain de tension existe au Cachemire en septembre 2016, pomme de discorde entre l’Union indienne et la Pakistan depuis l’indépendance de 1947, à l’origine de plusieurs guerres. Une attaque d’une base militaire dans le Cachemire indien a fait 17 morts. L’Inde y voit la main du frère ennemi pakistanais. New Delhi mène des raids aériens en représailles ce qui provoquent l’ire du Pakistan.

La Centrafrique reste secouée par des flambées de violence. Les dernières, dont l’ex-Séléka (milice armée musulmane) serait responsable, ont provoqué la mort d’une vingtaine de personnes.

La République démocratique du Congo est de nouveau le théâtre de violences. A Kinshasa les opposants au président Joseph Kabila (au pouvoir depuis 2001) ne veulent pas que ce dernier se représente aux élections qui devraient se tenir en décembre 2016, possibilité que l’actuelle Constitution n’autorise pas.

Aux Etats-Unis à Charlotte, des violences éclatent après la mort d’un homme noir, abattu par les forces de l’ordre. L’état d’urgence a dû être décrété. Les Etats-Unis n’en ont pas fini avec les tensions communautaires.

Le retour des malentendus transatlantiques ?

La Commission européenne a estimé que la firme américaine Apple a obtenu de l’Irlande – où l’impôt sur les sociétés est de 12,5% – des « aides d’Etat » qualifiées d’abusives : elle a payé moins de 1% d’impôts sur les profits réalisés. Bruxelles inflige une amende « historique » de 13 milliards d’euros à la firme à la pomme, amende qu’elle doit verser à Dublin. Cette dernière refuse pourtant – alors qu’elle a reçu l’aide de ses partenaires européens dans le cadre de la crise de l’Euro – qu’Apple lui verse cette amende. Alors que Washington a manifesté son très vif mécontentement, l’Union européenne post-Brexit en reste à l’heure du dumping fiscal…

Les négociations en vue d’un accord de libre-échange transatlantique sont dans l’impasse. La France réclame purement et simplement l’arrêt des négociations, la position d’Angela Merkel n’est pas aussi tranchée. Plusieurs manifestations anti-Tafta se sont déroulées dans des grandes villes européennes, en Allemagne une part de la population – entre 200 et 300 000 personnes – a manifesté contre l’accord de libre-échange avec le Canada (Ceta).

L’Union européenne de Bratislava

Quelques jours à peine avant le sommet de Brastislava de septembre 2016, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a prononcé un discours sur « l’Etat de l’Union », à l’image de ce qui se fait aux Etats-Unis en début d’année civile. Peu après le Brexit, il a voulu se montrer rassurant estimant que l’Union n’était pas menacée dans sa pérennité, annonçant une augmentation sensible de son plan d’investissement (630 milliards d’euros à l’horizon 2022) ainsi qu’un fonds d’investissement pour l’Afrique et les riverains de l’Europe doté de 44 milliards d’euros pour stimuler un co-développement et ralentir ainsi les flux migratoires. Il a aussi proposé – dans un contexte d’inquiétudes sécuritaires chez les Européens – une mutualisation des dépenses militaires. Il a en outre promis de renforcer Frontex pour lutter contre l’immigration illégale.

Réunion informelle des 27 chefs d’État ou de gouvernement à Bratislava, 16/09/2016

Ce discours répond-t-il complètement aux préoccupations nouvelles des Européens ? Ceux-ci réclament d’être mieux protégés, aussi bien au niveau de la sécurité physique – après la traumatisante vague d’attentats depuis janvier 2015 – que sur le plan plus économique : inquiétude face aux pratiques des Firmes transnationales (affaire Apple, négociation des accords transatlantiques Tafta) face au dumping fiscal (annoncé par Londres mais déjà pratiqué par de nombreux membres de l’Union), social (au détriment des travailleurs), financier (scandale du Luxleaks) … L’aventure communautaire avait commencé en prônant la paix, la prospérité et la solidarité. C’est l’application trop molle de toutes ces valeurs qui aujourd’hui menace clairement le projet européen.

L’Europe communautaire semble au pied du mur, le sommet de Bratislava se devait d’être ambitieux. Il aboutit à la signature d’un programme d’action à horizon de 6 mois en renforçant la sécurité intérieure, en accordant aux pays d’Europe centrale et orientale une « solidarité flexible » concernant les quotas de réfugiés qui a satisfait les membre du groupe de Visegrad (République Tchèque, Slovaquie, Pologne et Hongrie) mais a mécontenté l’Italie de Matteo Renzi. Les apparences sont sauves, mais est-ce suffisant ?

Après la démission du commissaire britannique au lendemain du Brexit, l’ex-ambassadeur de Londres à Paris a été nommé commissaire à la Sécurité dont le périmètre comprend désormais le terrorisme, le crime organisé et la cybercriminalité. Son mandat doit couvrir la période jusque qu’octobre 2019… date à laquelle le Royaume Uni n’appartiendrait déjà probablement plus à l’Union européenne. Besoin de cohérence ? Michel Barnier devient négociateur en chef pour le Brexit au nom de l’Union européenne.

L’Union européenne vient de donner à la Bosnie-Herzégovine le statut de pays candidat à l’entrée dans l’Union. D’autres pays ont déjà ce statut : Albanie, Macédoine, Monténégro et Serbie pour les Balkans, et bien sûr la Turquie.

Après le parfum de scandale que laisse derrière lui le départ de Manuel Barroso pour la banque Goldman Sachs, les révélations concernant la société off-shore de l’ex-commissaire européenne à la concurrence Neelie Kroes sont des plus embarrassantes pour une Union européenne en pleine « crise existentielle » selon Jean-Claude Juncker.

15 ans après le 11 septembre 2001…

Les Etats-Unis commémorent, avec la plus grande émotion, le 15ème anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 qui ont fait environ 3 000 morts. 15 ans après ces attentats, des guerres en Afghanistan et en Irak, le monde est-il plus sûr ? Les mouvements jihadistes se sont enracinés dans la zone sahélo-saharienne, au Proche-Orient. La Libye et le Proche-Orient ont sombré dans le chaos, le Yémen et l’Afghanistan sont durablement déstabilisés. L’Europe a renoué avec la violence des attentats faisant voler le mythe de la paix durable sur le continent.

Le Sénat américain vient d’autoriser – malgré le veto présidentiel – les victimes des attentats du 11 septembre à poursuivre l’Arabie saoudite pour son rôle potentiel dans la préparation des attentats revendiqués par al-Qaida. Cette décision est motivée par la nationalité des terroristes mais aussi par les probables canaux de financement.

Les pays émergents traversent une période troublée

Alors que le ralentissement économique chinois pèse sur les résultats des grandes entreprises occidentales, il pénalise surtout les producteurs de matières premières que sont les pays émergents. Le Nigéria est entré en récession économique et l’inflation est désormais à deux chiffres. Il est pénalisé par la baisse du prix du pétrole, les troubles dans le delta du Niger qui ralentissent l’extraction pétrolière ainsi que Boko Haram qui entretient une guerre civile au nord-est du pays.

Le Brésil est lui aussi en pleine décélération économique et en plein marasme politique. Dilma Rousseff, réélue à la présidence du pays à l’automne 2014 a été destituée officiellement en septembre 2016 – dans le cadre du scandale politico-financier de Petrobras – alors qu’elle crie au coup d’Etat. Lula, le père du Brésil du XXIème siècle, est lui aussi rattrapé par les accusations de corruption. Son ancien ministre des finances – Antonio Palocci – a été arrêté dans le cadre du même scandale Petrobras.

L’Afrique du Sud souffre d’un ralentissement économique, lié au reflux du cours des matières premières, mais aussi d’une crise politique. Le gouvernement de Jacob Zuma est délégitimé par son inefficacité, il est en outre gangréné par la corruption.

L’Amérique latine oscille entre tensions et espoirs. Au Venezuela le mouvement de contestation contre le président Maduro a repris de plus belle. En Colombie, un accord de paix est sur le point d’être signé entre le pays et les rebelles des FARC. Une cérémonie est organisée en septembre 2016 à Carthagène pour en souligner le caractère historique. La Colombie pourrait ainsi mettre fin à un demi siècle de guérilla qui a ensanglanté le pays (près de 300 000 morts, des millions de déplacés) et l’a empêché de se développer. Une partie de la population juge cet accord trop clément avec la guérilla, mais ce type d’accord est toujours très difficile à trouver dans le cadre d’une guerre civile. Comment réintégrer les guérilleros ? Comment suturer les plaies du pays ? L’équilibre sera très délicat à mettre en place, mais il peut permettre à la Colombie de mieux se projeter dans l’avenir.

Un accord historique sur le pétrole

Les membre de l’OPEP se sont accordés fin septembre 2016 pour une diminution de leur production de pétrole, d’environ 700 000 barils par jour pour faire face à la sévère décrue des cours qui handicape de façon inquiétante le budget de pays comme le Nigéria, le Venezuela, l’Algérie… et même l’Arabie saoudite qui découvre le déficit budgétaire. Cette décision est historique à plusieurs niveaux : l’OPEP veut renouer avec sa capacité d’influer le cours du baril, comme elle l’a fait en 1973 en créant le premier choc pétrolier ou en 1986 avec le contre-choc pétrolier. Elle l’est aussi parce qu’elle repose sur un accord entre l’Arabie saoudite, désormais leader sunnite régional, et l’Iran puissance chiite qui opère un remarquable retour sur la scène internationale et régionale. La rivalité entre Téhéran et Riyad est la nouvelle force de recomposition à l’échelle du Moyen-Orient.

Des sociétés en Europe qui se portent bien

Les sociétés françaises remportent des contrats à l’exportation. Airbus a signé en septembre 2016 pour 4 milliards de dollars de commandes avec Hanoi pour équiper Vietnam Airlines. L’Inde confirme l’achat de 36 avions de chasse Rafale.

Le géant allemand de la chimie Bayer rachète l’américain Monsanto pour environ 66 milliards de dollars. Bayer est un des leaders des produits phytosanitaires alors que Monsanto l’est dans le domaine des semences. Si leur complémentarité semble claire cette fusion risque de rendre les agriculteurs encore plus dépendants de cette firme gigantesque.

 

Copyright octobre 2016-Degans*/Diploweb

*Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Membre du laboratoire HABITER (EA 2076) de l’Université Reims Champagne-Ardenne. Elle est notamment co-auteure chez Ellipses de Les 50 cartes à connaître, Coll. Atout concours, Paris, 2016 ; Histoire, Géographie, Géopolitique. Concours d’entrée aux grandes écoles, Coll. Atout concours, Paris, 2015.