Aujourd’hui troisième producteur mondial de nickel, la Nouvelle-Calédonie pourrait ravir à la Russie et au Canada le titre de numéro un mondial. Si tous les projets en cours se concrétisent, la production pourrait en effet atteindre près de 300.000 tonnes de minerai d’ici à quatre ans. Mais sur le Caillou on se divise pour savoir quelle est la meilleure stratégie à suivre pour atteindre cet objectif
Aujourd’hui troisième producteur mondial de nickel, la Nouvelle-Calédonie pourrait ravir à la Russie et au Canada le titre de numéro un mondial. Si tous les projets en cours se concrétisent, la production pourrait en effet atteindre près de 300.000 tonnes de minerai d’ici à quatre ans. Mais sur le Caillou on se divise pour savoir quelle est la meilleure stratégie à suivre pour atteindre cet objectif
Sur le papier, les projets sont clairs. Début 2013, l’usine du Nord, exploitée par le géant suisse Xstrata et la Société Minière du Sud Pacifique (SMSP), aux mains des indépendantistes kanaks, entrera en production. Plus au sud, à Goro, malgré les nombreux accidents, dont une fuite d’acide sulfurique, le brésilien Vale devrait pouvoir transformer le minerai nécessaire à la fabrication de l’acier inoxydable.
De son côté, André Dang, le patron de la SMSP, dont il détient 8 %, multiplie les contrats pour exporter le minerai brut. Il s’est entendu avec Jinchuan, premier groupe minier chinois, pour construire d’ici à 2017, en Chine, une usine métallurgique de 30.000 tonnes de nickel. Il a aussi promis à l’aciériste Posco, avec qui il exploite une usine en Corée du Sud, le doublement des capacités de production.
Ni création d’emplois ni taxes
Cette délocalisation en Asie agace les non-indépendantistes (les loyalistes). « C’est une politique en faveur de SMSP. Ce qui est favorable à l’entreprise est très dommageable pour le pays », estimait Pierre Bretegnier, président de la commission permanente du Congrès, fin septembre. L’UMP locale reproche à André Dang de ne pas créer de valeur ajoutée sur le territoire. « Ces usines (en Chine) ne créent pas d’emplois et ne rapportent aucun impôt et taxe au Caillou. Tout le contraire de la Société Le Nickel (SLN), filiale d’Eramet, dans le Sud, qui transforme sur place le minerai depuis plus d’un siècle, ou des deux autres grands projets », indique l’un des membres du parti. En outre, ces contrats seraient de nature à casser le marché. « En alimentant avec un minerai d’une teneur intermédiaire les usines de Chine et de Corée du Sud qui ont des coûts de production très faibles, la SMSP donne à ces pays un avantage compétitif sur la Nouvelle-Calédonie », ajoute un autre.
La SMSP ne partage pas ce point de vue. « Le petit minerai que nous exportons pour le traiter à l’extérieur ne peut l’être localement. Les mines sont trop vieilles, la teneur en nickel insuffisante. Plutôt que de continuer à exporter du minerai brut sans retour de valeur ajoutée – comme certains le font -, nous préférons le valoriser pour pérenniser l’activité minière », indique Dominique Nacci, directeur des relations publiques. « Les usines offshore (hors de Nouvelle-Calédonie) ont la particularité de s’appuyer sur de petits gisements et sur le faible coût de production. L’amortissement et les retours sur investissement de ces usines sont bien plus rapides et contribueront donc plus rapidement aux besoins des finances publiques du territoire et du développement de la Province Nord », ajoute-t-il.
Derrière ces crispations sur la stratégie de développement de la SMSP se cachent d’autres enjeux. Selon l’accord de Nouméa, un référendum d’autodétermination peut être organisé entre 2014 et 2018. Avec le changement de majorité présidentielle, les non-indépendantistes craignent que les Kanaks n’en profitent pour réclamer des permis miniers ou ne demandent la majorité dans le capital de la SLN, dont ils sont déjà actionnaires à 34 %.
Paul Néaoutyne, président de l’Assemblée de la Province Nord, faisait partie du comité de soutien à François Hollande lors de la présidentielle. Début août, en visite à Nouméa, le ministre de l’Outre-mer, Victorin Lurel, a évoqué la « Nouvelle-Calédonie-Kanaky ». Les loyalistes y ont vu un signe de soutien aux indépendantistes. Fin 2012, Anne Duthilleul, chargée par Paris du suivi des projets métallurgiques calédoniens, remettra un rapport sur la stratégie industrielle de l’île.
Par Laurence Boisseau